Pour son 15ème anniversaire, le Festival des Arts Burlesques a décidé de jouer la carte du renouvellement. Rencontre avec Farid Bouabdellah, nouveau directeur du Festival et de la structure organisatrice, le Nouveau Théâtre Beaulieu :

En juin dernier, le Nouveau Théâtre Beaulieu était victime d’un incendie criminel terrible. Dans quel état d’esprit étiez-vous alors ?

Toute l’équipe, salariés et bénévoles, a été choquée ! Comment peut-on ne pas l’être quand le lieu où vous travaillez depuis 15 ans, aussi emblématique que la Mjc Nouveau Théâtre Beaulieu, où des milliers d’habitants ont vécu des émotions, part comme ça en fumée…

Qu’en est-il des motivations de cet incendie et de l’enquête ?

L’enquête est en cours, nous n’avons pas d’information à ce sujet.

Pensez-vous que ce que représentait le NTB, un outil de sensibilisation et d’action culturelle, était la cible de cet acte criminel ?

L’incendie de la Mjc Nouveau Théâtre Beaulieu fait partie d’un ensemble d’évènements, avant nous il y a eu le saccage de la Maison de projet (sorte de Bureau d’Information Jeunesse) et après l’incendie du NTB, d’autres actes ont eu lieu. L’incendie de la Mjc Nouveau Théâtre Beaulieu a eu un impact médiatique fort qui a raisonné et raisonne encore. Ce n’est dû qu’à son rayonnement et la vivacité de ses actions.

Où en est le NTB actuellement ?

Nous sommes actuellement au centre social de Beaulieu qui nous a fait une proposition d’accueil (bureaux que nous louons auprès de la CAF). Nous faisons fort de maintenir et de renforcer toutes nos actions culturelles et d’éducation populaire. En novembre dernier, nous avons organisé avec nos partenaires, une semaine sur la problématique de la radicalisation, nous avons accueilli près de 1 200 jeunes venus de tous les quartiers de la ville et d’ailleurs… La saison jeune public fonctionne bien entendu, nous menons toujours des actions avec des jeunes autour du cinéma qui leur ont permis de découvrir Godard et d’autres projets que je ne pourrais pas tous vous énumérez ici, il faudrait 6 pages !… Vous savez, nous sommes 3 salariés et 1 animatrice jeune ¼ temps, entourés de bénévoles, beaucoup de personnes autour de nous se demandent quelle énergie nous habite. Je vous donne la réponse : la passion et le bonheur que nous donnons aux gens.

Avez-vous été accompagné, par les institutions, durant cette épreuve ?

La ville de Saint Étienne nous a mis à disposition l’Usine pour la saison jeune public ainsi que le théâtre Copeau pour l’action sur la problématique de la radicalisation, elle a voté une subvention exceptionnelle pour les transports des enfants et la location de nos bureaux. Les services de la ville sont toujours à la recherche de locaux provisoires plus adaptés à nos actions, en attendant la réouverture de la Mjc Nouveau Théâtre Beaulieu.

On fêtera cette année le 15e anniversaire du festival. Une renaissance ?

Le terme « renaissance » utilisé comme renouveau, je dirais oui !

On note une réelle volonté d’évolution à tous les niveaux. Était-ce indispensable pour le festival ?

Oui, l’association Beaulieu Spectacle Vivant présidée par André Friedenberg est depuis janvier 2017 porteuse du festival des Arts Burlesques. En effet, à la demande de la Ville de Saint Étienne une association a été créée et s’occupe exclusivement de cette action. Cette association a choisi comme prestataire la Mjc Nouveau Théâtre Beaulieu afin d’organiser le festival des Arts Burlesques (programmation, régie…). Le festival c’est aussi une trentaine de bénévoles qui gère l’accueil, le catering, les transports, autant de personnes indispensables au projet.

Un mot sur le nouveau visuel du festival ?

Nous avons voulu aussi faire évoluer l’image du festival ; l’affiche a toujours eu une très grande importance. Quand nous parlons du festival, nous pensons directement au visuel, souvenez-vous de Che Gevarra avec le nez Rouge, du Prince Charles, ça, c’était la signature Kaaviik et il est venu grâce à Michel Mazziotta. Aujourd’hui, j’ai souhaité apporter du renouveau, de la fraîcheur et nous avons demandé à Gaël Barnabé, avec qui nous avons fait une fresque dans le cadre du In de la Biennale du Design avec les habitants des quartiers sud est, de réaliser le visuel de la 15e édition. Le pari, je crois, est très réussi. Gaël, qui est issu de l’école de Design de Saint-Étienne, et a su répondre à nos attentes.

La programmation s’est largement rajeunie. Une volonté forte ?

Vous savez la programmation du festival se fait un an à l’avance, il faut être au fait de tout, savoir qui va plaire aux spectateurs, trouver le spectacle burlesque qui sera rassembleur. Il faut proposer de l’originalité, surprendre, donner envie, apporter du pep’s…

Une programmation qui témoigne de toute la diversité du paysage humoristique français. L’humour est-il en avance sur notre société au niveau de cette diversité justement ?

La société française est diverse, le paysage humoristique est à l’image de la France. La programmation du festival permet d’unir les êtres, un spectacle va vous donner des émotions, du rire, des larmes, votre voisin de fauteuil va ressentir la même chose, vous allez être en communion.

Quels seront les temps forts de cette 15e édition ?

Cette 15e édition démarrera le 15 février avec la nuit des Stéphanois, que nous avons contacté après l’incendie du NTB « Génération Beaulieu ». Cette soirée regroupera des jeunes amateurs passés par le Tremplin Nouveau Talents, qui sont devenus aujourd’hui des professionnels et qui font rayonner Saint-Étienne. Je pense à Mathieu Schalk qui aujourd’hui fait la voix de Guignols, Sanaka qui écrit pour beaucoup d’humoristes, Quentin Jaffrés et bien d’autres invités. Le spectacle des Goguettes sera un grand moment de chansons caustiques ainsi que les Cinq de Cœur également.

Des nouveautés ?

Déjà au niveau des lieux, tous les spectacles qui devaient se dérouler au NTB auront lieu au Théâtre de l’Université qui nous a apporté un soutien fort pour cette quinzième édition. Aussi, nous avons voulu créer des rencontres uniques, je pense à la soirée des Insolents qui réunira Pierre Emmanuel Barré et Blanche Gardin… Enfin, je veux rappeler l’ouverture du festival dans le Forez avec l’arrivée de la commune de Saint-Just-Saint-Rambert avec le spectacle d’Antonia.

Qu’en est-il du carnaval burlesque ?

Le défilé aura lieu le vendredi 16 février, la Mjc Nouveau Théâtre Beaulieu co-construit avec les centres sociaux Alfred Sisley et Beaulieu ainsi que le FJEP et d’autres associations d’éducation populaire un véritable carnaval. En amont, des ateliers sont proposés aux enfants et adolescents pour s’initier à des pratiques circassiennes pour ensuite participer au défilé.

Vous avez remplacé M. Mazziotta à la tête du festival. Comment s’est déroulée cette transition ?

J’ai travaillé pendant 13 ans avec Michel Mazziotta, j’étais son directeur adjoint, je travaillais donc en étroite collaboration avec lui sur le festival.

Quelles seront les révélations de cette 15e édition ?

Je pense que nous pouvons parier sur Haroun, Camille Lellouche, les Goguettes, le nouveau spectacle des Acrostiches, le retour d’Amelle Chahbi avec son spectacle mis en scène par Josiane Balasko.

Parlez-nous de l’animation menée parallèlement au festival ?

Le festival a été créé par la Mjc Nouveau Théâtre Beaulieu dans l’idée de faire changer l’image d’un quartier par l’action culturelle. Aujourd’hui le festival est porté par une autre association, le partenariat entre Mjc Nouveau Théâtre Beaulieu et Beaulieu Spectacle Vivant permet de maintenir ces actions culturelles. Une action comme le « journal du festival » permet à des jeunes de réaliser un micro magazine sur le festival qui est diffusé tous les soirs sur TL7, cela leur donne l’occasion d’être en condition de journaliste et de découvrir le festival de l’intérieur. Le carnaval, bien sûr, dont on a parlé, les « chantiers » que nous menons avec la Sauvegarde de l’Enfance et les jeunes des quartiers sud est pour la diffusion des programmes du festival. Ces actions sont soutenues par l’État, le Département et la Ville de Saint-Étienne dans le cadre de la Politique de la Ville.

Quelles sont vos ambitions pour cette prochaine édition ?

Toujours et encore plus de rayonnement sur cet évènement de culture populaire et faire découvrir des spectacles à ceux qui n’auraient pas pu y avoir accès.

Comment voyez-vous l’avenir du festival mais aussi de votre action sur le long terme ?

Mon état d’esprit, mon envie d’aller toujours plus loin, je veux me projeter de façon positive sur l’avenir, que ce soit avec le festival des Arts Burlesques ou la direction de la Mjc Nouveau Théâtre Beaulieu, ce qui m’amène déjà à organiser des actions pour l’année 2019, tant sur le festival que sur les actions culturelles et d’éducation populaire de la Mjc Nouveau Théâtre Beaulieu.

À titre personnel, vous prenez la suite de M. Mazziotta. Heureux ?

J’aurais été plus heureux si mon équipe et moi-même avions eu les mêmes conditions de travail. Mais, réussir ce challenge dans ces conditions est une gageure et surtout, je suis si heureux et touché d’avoir reçu tous ces soutiens derrière nous, cela nous pousse à continuer ! Que ce soient les habitants des quartiers sud est, les Stéphanois, les associations d’éducation populaire, les acteurs culturels et bien d’autres encore, tous nous ont soutenu, c’est énorme pour nous, cela démontre que le travail réalisé depuis toutes ces années est utile, donner du bonheur aux gens cela n’a pas de prix.