C’est un article qui est passé inaperçu au moment de sa publication. Je veux parler de l’article publié sur le site du Nouvel Obs par Jean-Claude Guillebaud intitulé « Le courage d’Yves Calvi ». Dans cet article, le journaliste spécialisé dans les médias du Nouvel Obs pointait une émission animée par Yves Calvi, « 24 heures en question », diffusée sur LCI au milieu du mois de décembre dernier dans laquelle, le journaliste vedette de RTL voyait ses certitudes au sujet de la Syrie remises en cause par quatre de ses invités, Isabelle de Gaulmyn, rédactrice en chef adjointe à « la Croix », le général Vincent Desportes, ancien patron de l’École supérieure de Guerre, Frédéric Pons, journaliste et professeur à Saint-Cyr et Frédéric Pichon, auteur d’un livre sur la Syrie (« Syrie, pourquoi l’Occident s’est trompé », éditions du Rocher, 2014). Ces quatre invités n’ont eu cesse, durant l’émission, de remettre en cause l’opinion véhiculée par nos médias nationaux et notre gouvernement selon laquelle Bachar El Assad serait le seul criminel de guerre en Syrie et que les rebelles chassés d’Alep n’étaient constitués que de gentils GO démocrates assoiffés de démocratie…

À tel point qu’Y. Calvi déclarera au terme de l’émission sa crainte d’avoir animé la première « émission révisionniste » sur le sujet. Sous le coup de cette violente remise en cause, Y. Calvi décida d’inviter la semaine suivante un certain Éric Denécé, directeur du Centre Français de Recherche sur le Renseignement afin de débattre une fois encore de la Syrie et des rôles de Bachar El Assad et des rebelles d’Alep. Non seulement le spécialiste du Renseignement confirma les analyses de l’émission précédente, mais il en rajoutera une couche sur les médias français, en évoquant même une « énorme falsification de l’information ». Selon ce spécialiste, « on s’est fait rouler dans la farine avec Alep ». Lorsqu’on écoutait les précédentes émissions qu’animait Y. Calvi sur France 5, dans « C dans l’air », avec son panel de journalistes récurrents (les mêmes qui mangent à tous les râteliers…), on imagine aisément la claque qu’il ramassa après ces deux émissions.

Ce volte-face télévisuel montre à quel point il est compliqué aujourd’hui d’avoir accès à une information honnête et non manipulée. Ce qui se passe actuellement aux États-Unis autour de la passation de pouvoirs présidentiels renforce cette évidence. Il nous sera de plus en plus difficile, dorénavant, avec l’avènement d’internet et de toutes les sources médiatiques qui en émanent, de dicerner le vrai du faux. Le gouvernement russe a-t-il interféré directement dans l’élection américaine ? Avec quels moyens (si ce n’est la révélation des affaires des mails privées de la candidate H. Clinton )? Comment les services de renseignements américains, riches en milliards de dollars et en compétences multiples, n’ont pu faire face à ces attaques, un peu à la manière des F16 de l’US Army impuissants face aux avions détournés de 2001… Le gouvernement russe tient-il le nouveau président Trump grâce à des vidéos compromettantes ? Pourquoi les médias français ont-ils tous suivi la ligne diplomatique du gouvernement Valls sur l’affaire syrienne ? Pourquoi ce silence médiatique étourdissant sur les crimes commis au Yémen par nos alliés, l’Arabie Saoudite et le Qatar ?

On s’aperçoit bien qu’aujourd’hui n’importe quelle information diffusée par internet vaut autant que n’importe quelle autre information diffusée par des médias conventionnels, dans la mesure où cette première information sera reprise, sans aucune vérification préalable, par tout un tas de sites ou de compte Facebook ou twitter particuliers sans aucune forme de hiérarchisation ou de validation indispensable. Internet est devenu un boulevard pour les rumeurs, les fausses informations ou les manipulations. Parallèlement, dans leur quête effrénée d’équilibre financier de plus en plus incertain, les médias traditionnels ont dépouillé leur propre rédaction et réduit, de fait, leur capacité d’investigation, d’enquête ou de vérification. Et de peur d’être à la traîne sur un scoop, nombre de ces sites n’hésite plus à publier une information sans aucune vérification préalable. Enfin, lorsqu’en face de cette triste réalité, vous avez des services de renseignements privés ou étatiques largement financés et pourvus en moyens humains et techniques avancés, on arrive à ce troublant paradoxe qui fait que la vérité n’a jamais été aussi compliquée à trouver qu’aujourd’hui. Mais depuis les aventures des agents Mulder et Scully,  ne savons-nous pas que « La vérité est ailleurs », non ?