Depuis « Désordre », leur premier album sorti en 2012, le groupe stéphanois poursuit une trajectoire d’une rare cohérence. Des textes engagés et poétiques, une musique tantôt entraînante, rock et électrique, parfois plus métissée voire lancinante, surtout une énergie folle et communicative. Rencontre :

Vous faites de la musique depuis presque 15 ans. Quel regard portez-vous sur votre parcours ?

Parfois, ça m’impressionne et ça m’étonne d’avoir le même groupe depuis 15 ans. Et le fait d’avoir commencé cette aventure à 13-14 ans rajoute encore de l’étonnement à cette impression de durée. Nous avons commencé ce groupe avec le rêve de l’enfance et nous lui avons donné forme avec l’énergie de l’adolescence. Nous avons réalisé ce désir avec peu de moyens – en tout cas, de moyens « musicaux » – et nous nous sommes réalisés nous-même à partir et dans ce groupe. Le fait que nous ayons concrétisé ce « rêve » avec des moyens réels peu aptes à la formation d’un groupe de musique (très jeune âge, pas de bons musiciens) nous a obligé à passer beaucoup de temps ensemble, à construire des liens très forts et à mettre de la confiance dans le collectif plus que dans l’individuel. Aujourd’hui, il me semble que nous avons envie de retrouver un peu de personnel tout en continuant de construire la structure « barrio populo ».

Qu’est-ce qui a été le plus dur dans votre parcours ?

Le départ de musiciens copains, l’arrêt d’une habitation commune, bref, tout ce qui ébranle le commun du Barrio Populo.

En 15 ans, qu’est-ce qui a profondément changé selon vous ?

Notre rapport au groupe. Avant, ce groupe était la condition, le support et le sens de notre individualité. Avec tout ce que ça avait de positif, il y a quand même un moment où notre individualité a demandé de s’émanciper du commun pour trouver une place ailleurs que dans le groupe. Bien entendu, chacun à sa manière et plus ou moins pour chacun. Ce qui est certain, c’est que cette prise de conscience et les faits qui en sont concomitants ont ébranlé notre histoire. Je crois que nous sommes dans la phase terminale de ce changement. Nous envisageons le groupe différemment mais nous avons toujours cette envie forte de l’envisager… Chacun de nous dans sa construction propre, à l’heure d’aujourd’hui, ne souhaite pour autant laisser tomber cette aventure commune si belle…

Depuis 2009, vous travaillez avec la société stéphanoise Carotte Production. Toujours satisfait de cette collaboration ?

Toujours satisfait. Cette collaboration est devenue avec le temps une histoire de famille. La confiance règne en maître de ce territoire « Carotte-Barrio. »

« Géographie du hasard », votre 3e album, est sorti l’an passé. Que s’est-il passé depuis ?

Nous avons fait une belle et traditionnelle tournée de sortie d’album durant l’été 2017. Des beaux concerts et une belle ambiance. Et v’oui…

Vous avez notamment joué à Saint-Étienne, lors de la dernière fête de la musique. Une bien belle soirée, comment l’avez-vous vécue ?

C’est toujours des moments particulièrement forts pour nous de jouer à Sainté. Qu’on le veuille ou non, on est toujours attaché au territoire où l’on a vécu nos débuts…

Cet album marquait une évolution du groupe vers un style plus littéraire, moins rock aussi… ?

Si vous le dites ! C’est difficile de définir ce que l’on fait. J’ai souvent tendance à dire aux gens d’écouter et de ne pas s’arrêter à des étiquettes qui trop souvent fixent et enferment des chansons et des écrits. Cet album n’est ni plus ni moins que ce qu’est Barrio Populo en ce moment.

Le 24 novembre prochain, vous sortirez un nouvel album « Cris d’écrits ». Comment le présenter ?

« Cris d’écrits » est un album un peu particulier. Nous avons pour un peu plus de la moitié des titres mis en musique des poèmes d’Arthur Rimbaud, Jacques Prévert, Antonin Artaud, Paul Fort. Pour le reste des titres, nous avons repris des chansons de Léo Ferré, Barbara et Pierre Perret. C’est une transmission, à notre sauce, de ce qui nous a été transmis, de ce qui nous porte artistiquement parlant. Du vieux « remis à jour » en quelque sorte…

« Cris d’écrits » est aussi un spectacle que vous produisez sur scène… ?

Tout à fait. Nous proposons un spectacle à partir de cet album. Nous le proposerons notamment le 24 novembre à la salle Jeanne d’arc.

On connaît bien votre attachement à la poésie. Cet album en est-il la concrétisation ?

D’une certaine manière, oui. C’en est plutôt son hommage.

Comment avez-vous choisi les auteurs ?

On a choisi tout simplement des poèmes qui nous plaisaient et que nous sommes arrivés à mettre en musique.

Ferré, Rimbaud, Prévert…, un lien entre eux ?

Ils prennent les mots et font le monde.

On connaît moins Paul Fort… ?

C’est un poète qui, entre autres, a influencé Brassens (ce dernier a d’ailleurs mis aussi en musique des poèmes de Paul fort)

Décidément, Barbara est très présente dans notre actualité, une chance, non ?

Je suis désolé, mais je ne regarde pas cette actualité-là, je ne savais pas qu’on « parlait de Barbara  » en ce moment. Une chance ? Je ne sais pas. ça dépend de comment on en parle…

Qui sont les grands poètes aujourd’hui ?

Malheureusement, je ne connais pas de grands poètes qui soient célèbres aujourd’hui. Mais la poésie s’exclame bien souvent ailleurs que dans le « spectacle ». Je connais un gars par chez moi qui est poseur de lauze ; quand nous causons ensemble, je le trouve très grand poète… Mais il n’écrit pas de bouquin et encore moins de chansons…

Comment s’est déroulée la « muse » en musique de ces poèmes ?

Très belle faute de frappe dans la question ; gardez-la ! La mise en musique de ces poèmes a été dictée par la muse en musique de ces poèmes…

Les textes ont-ils nourri la musique ?

Oui mais je crois que c’est quelque chose que je ne maîtrise pas. Je ne sais pas exactement comment je compose. Je me sens plus comme un passage. Les mots et les notes passent et à un moment je bloque le passage, je le « fixe » en chanson.

Notre quotidien – internet, libéralisme, populisme – ne manque-t-il pas de poésie justement ?

Ho, que si ! C’en est même l’inverse parfait, c’est-à-dire le divertissement par tous les moyens (même par la pseudo-poésie). Vivre poétique est un acte révolutionnaire en cela qu’il s’oppose radicalement au spectacle nauséabond qui se déroule devant nous et sans nous… Cette société est particulièrement non poétique car elle n’a aucun sens, or la poésie trouve du sens dans toutes les directions…

Quelles sont vos ambitions pour cet album ?

Je parle en mon nom car sinon, j’ai l’impression d’être schizophrène. Je n’ai aucune autre ambition que de tenter de faire du beau.

Vous allez présenter « Cris d’écrits » à Saint-Étienne sur scène. Une évidence ?

Oui, c’est à la Salle Jeanne d’Arc le 24 novembre. Et en effet, c’est une évidence que de faire la première date à Sainté.