1947-2017 : Après quarante ans de présence avenue Émile Loubet, la Comédie de Saint-Étienne entame une nouvelle ère Plaine Achille dans un nouveau bâtiment qui respecte tradition et modernité. Rencontre avec Arnaud Meunier, son bouillonnant directeur :

Avant de parler de la saison à venir, évoquons celle qui vient de se terminer…

Ce fût une saison particulière, dans le sens où elle a été un peu raccourcie, au moins en théorie. La programmation de la salle Jean Dasté s’est terminée mi-mars, celle de L’Usine, début avril. Nous étions censés déménager dès le mois d’avril dernier. La saison passée devait donc être très condensée, surtout sur les mois de janvier, février et mars. Or le déména- gement s’est réalisé seulement fin juin. Il y a eu trois mois de retard supplémentaires à celui que nous avions préalablement anticipé qui devait être de 6 mois au maximum. Il y en a eu 9 au final, il a donc fallu se réorganiser. Matthieu Cruciani devait répéter « Andromaque» fin mai, il a donc commencé à répéter sur le site de la nouvelle Comédie sans que nous y soyons concrètement installés. Ce qui a entraîné, dès ce mois de mai, la gestion de deux sites en même temps, une véritable charge de travail supplémentaire pour nos équipes. Mais si l’on considère d’autres déménagements de salle, on ne s’en tire pas trop mal au final. A titre d’exemple, la MC 93 à Bobigny, nouveau théâtre livré récemment, a connu des retards et des anomalies de constructions bien plus problématiques.

Qu’en a-t-il été de la fréquentation ?

Avec Marie-Laure, secrétaire générale de la Comédie, nous craignions cette saison. Elle était raccourcie et marquée par des projets prévus longtemps à l’avance, notamment sur les coproductions. À postériori, on la trouvait très marquée, par exemple, par les questions migratoires, par les attentats aussi… Après la présentation de la saison habituelle il y a donc un an, on la jugeait même assez sombre. Dans les faits, les retours des spectateurs ont été très positifs et nous avons terminé la saison avec un taux de fréquentation assez exceptionnel de 94%. Un  tel taux de remplissage cela ne nous était jamais arrivé ! Comme la saison s’arrêtait plus tôt, le nombre total de places mis à la vente était moins important, il est vrai. Nous avons présenté, je crois, 33 spectacles, une dizaine de moins que lors d’une saison classique. Nous avons eu quelques belles surprises, le spectacle d’Abdel Sefsaf, « Murs », a suscité un réel engouement populaire, les gens dansaient dans la salle, c’était génial, Abdel a su fédérer un vrai public ici. Le Peter Brook a été aussi un grand moment. Nous voulions symboliquement terminer dans la salle J. Dasté avec Peter Brook, et son spectacle a très bien marché.

Concrètement, comment s’est déroulé le déménagement de la Comédie ?

Nous avons déménagé physiquement début juillet. Nous avons rendu les clés de l’ancienne Comédie le 30 juin, ce fut un moment très émouvant. Certaines personnes y travaillaient depuis plus de 30 ans, ce n’est pas rien. De mon côté, j’ai dû ranger 6 ans de souvenirs dans des cartons, et ça a été déjà compliqué, alors 30 ans… L’équipe était partagée entre l‘excitation de découvrir ce nouveau lieu et la nostalgie de l’ancien…

Avez-vous déjà constaté quelques soucis d’adaptation ?

La livraison d’un tel bâtiment s’effectue sur le long terme. En terme technique notamment, nous avons un an, au regard de la loi, pour mettre à jour l’ensemble des problèmes que nous pourrions rencontrer. Les entreprises seront tenues de réparer les anomalies si anomalies il y a. Ensuite, nous avons la garantie décennale, comme pour toute construction. Nous étrennons actuellement les salles de répétition… Le reste doit suivre.

Quelles sont tes premières impressions ?

C’est plutôt extrêmement réjouissant. Nous avons la sensation d’avoir un bâtiment beaucoup plus grand. La bonne nouvelle, c’est que le bâtiment a déjà une âme et que nous n’avons pas l’impression de débarquer dans une zone neutre et froide. Il y a quelque chose qui vit, ici. Il y a une vraie chaleur… Il apparaît moins monumental que ce que l’on redoutait mais surtout, les espaces scéniques sont extraordinaires. Et ça change tout !

Tu fais parties de ceux qui ont la chance d’inaugurer un centre dramatique national…

J’ai même la prétention de me placer dans la famille des bâtisseurs, car à mon arrivée à Saint-Etienne, je te rappelle que le scénario était complètement bloqué. Ce fût ma première urgence en arrivant ici. L’ancien président de la Région Rhône-Alpes, J-J. Queyranne, m’avait bien fait comprendre que la fenêtre de tir pour un tel projet était très restreinte. La région venait de financer la rénovation du TNP de Villeurbanne, une enveloppe était donc disponible mais il fallait agir très vite. Ce que j’ai fait. Je n’ai fait pratiquement que ça les trois premiers mois de mon arrivée à Saint-Etienne. Ce fût d’ailleurs assez sportif…Je dois beaucoup à l’Epase, l’établissement public d’aménagement de Saint-Etienne.

Rappelons le budget de la nouvelle Comédie ?

Un petit peu moins de 30 millions d’euros. Ce n’est pas rien en soi, mais dans le cadre de la rénovation d’un grand théâtre, ce n’est pas énorme. Le budget de rénovation du TNP s’élevait à plus de 80 millions… Précisons que le budget initial a été respecté ce qui n’est pas tout le temps le cas… Je rappelle que le retard constaté de 9 mois a été dû à la liquidation du cabinet d’architectes qui avait conçu le projet et qui a déposé le bilan l’été dernier. Il y a eu un vide pendant plusieurs mois.

Quels sont tes objectifs pour cette saison 2017-18 ?

La saison qui s’est terminée et celle qui vient sont exceptionnelles. Les enjeux se multiplient. Nous voulons dans un premier temps que la Comédie reste la Comédie. Cela paraît évident dit comme ça, mais dans les faits, c’est une autre histoire. Nous voulons bien évidemment conserver la dimension populaire et chaleureuse de la Comédie. Toute l’ouverture de la saison a été pensée dans cet objectif. Il y aura trois semaines d’ouverture et de spectacles gratuits : des évènements, de la fête et des surprises, du 14 septembre au 7 octobre. Ce sera également une manière de rendre hommage à Jean Dasté. Notre adresse est place Jean Dasté, la grande salle s’appelle Jean Dasté et nous ouvrons en associant des compagnies d’amateurs et de professionnels. Ces trois premières semaines nous permettrons surtout de nous approprier ce nouveau matériel sans s’engager dans une première création ambitieuse. Le troisième enjeu est de montrer ce que nous pouvons faire avec ce nouvel équipement que nous ne pouvions pas faire dans l’ancien, notamment, accueillir de nouveaux spectacles.

D’un point de vue technique ?

Oui. Nous accueillons une metteuse en scène brésilienne, Christiane Jatahy, qui a conçu un spectacle qui se jouera sur 2 plateaux en même temps, avec un changement de plateau à l’entracte. Demarcy Mota présentera un spectacle qui ressemble à un « son et lumière » impossible à monter avenue Emile Loubet. Idem pour le spectacle de Madeleine Louarn qui jouera en bi-frontal… Enfin, nous voulions affirmer les axes qui nous tenaient à cœur, notamment la place de la danse contemporaine, il était somme toute logique que nous occupions ce rôle vis-à-vis de la chorégraphie contemporaine, et la dimension internationale de la programmation. Mon leitmotiv reste celui-ci : La Comédie  ne doit pas être un mastodonte qui écraserait la totalité des acteurs culturels locaux, mais doit être un chef de file qui pousse tout le monde vers le haut. Nous tenons à cette complémentarité entre tous les différents acteurs culturels ligériens.

Tu décrivais la saison écoulée comme « sombre », qu’en sera-t-il de la prochaine ?

Cette thématique n’a pas totalement disparu de notre paysage, c’est évident… Je crois que se dégage malgré tout une nouvelle thématique qui aurait plus à voir avec la possibilité de reconstruction d’un nouveau monde ou comment les artistes contribuent-ils à réinventer de nouvelles utopies ? Et pourquoi pas en relisant certaines écritures anciennes pour essayer de comprendre ce monde nouveau ? Je remarque notamment que beaucoup de metteurs en scène se tournent vers Tchekov pour comprendre ce qui se passe aujourd’hui.

Peut-on y voir une résonance avec les évolutions politiques nationales, une tentative de reconstruction tout au moins d’un point de vue « marketing » ?

K. LardJam va monter « 1000 francs de récompense » de Victor Hugo qui relate l’histoire d’un ancien banquier qui veut devenir député…Curieux, non ?

La culture a été la grande absente de l’élection présidentielle…

Je ne suis pas d’accord avec toi car E. Macron n’a cessé de parler de culture… Il ne cesse de faire référence à la culture, il a connu sa femme durant ses cours de théâtre, il a une formation de philosophie, il a été assistant d’un grand philosophe, il ne cesse de citer les grands auteurs…

Un bel habillage en effet…

C’est vrai qu’il a été peu question de culture et de création artistique pendant les débats politiques. Avoir un lieu dédié à la création théâtrale, ce n’est pas rien pour une ville comme Saint-Etienne. D’autres villes ont des lieux qui sont dédiées à la diffusion, ce n’est pas tout à fait la même chose. Cette proximité avec la création est un enrichissement permanent. Nos spectateurs suivent plus facilement le pari que nous avons pris de programmer des auteurs vivants justement parce qu’ils ont cette proximité avec eux !

Vos succès ont facilité cette confiance…

Bien sûr. Nous allons fêter les 70 ans de la décentralisation théâtrale, c’est un beau symbole que de fêter cet anniversaire dans notre nouveau lieu. Et je vois comme un parallèle entre 1947 et 2017. Dans l’esprit des pionniers, il y avait une volonté de réconciliation après-guerre, c’est pour cela que le premier CDN a été créé à Colmar près de la frontière allemande. Le second CDN vera le jour à Saint-Etienne un peu par hasard car il devait être initialement créé à Grenoble par Jean Dasté. Ce dernier ne s’entendant pas avec le maire de Grenoble de l’époque choisit donc de l’ouvrir à Saint-Etienne. Ce sera l’histoire de sa vie ! Pour en revenir aux pionniers, ils ont compris très vite qu’ils tireraient leur légitimité uniquement de leur public. Ce fût un peu moins vrai dans les années 80 par exemple où le soutien accru aux artistes voulu par Jack Lang a pu engendrer une forme de déviance un peu narcissique des artistes. Bien sûr, on ne peut pas résumer la période J. Lang à cela…C’est grâce à lui que les budgets culturels ont été doublés, il a inventé la fête de la musique, celle du cinéma, les nouveaux labels…Une génération d’artistes s’est cependant crue alors adoubée par le Prince et ne s’est mise qu’à créer pour elle… Il y a donc cette légitimité par le public mais aussi par le rayonnement, j’en reviens à Jean Vilar notamment avec Avignon ou Jean Dasté avec ses expériences cinématographiques. Notre légitimité vient de notre rapport aux gens en fait. À une certaine époque, avoir du succès était plutôt mal considéré… Avoir du succès, c’est rencontrer son public, j’entends.

Pour en revenir à ton expérience, tu as contribué à la révélation d’un auteur, Stefano Massini…

Avec « Chapitre de la chute », nous avons connu une expérience incroyable. « Femme non rééducable » et « Je crois en un seul Dieu » ont très très bien marché aussi. « Chapitre de la chute », c’est une saga de plus de 4h sur le monde de la finance… Connaître un tel succès, c’était pour le moins inattendu. Ce qui me plaît dans cette histoire, c’est le fait qu’on a battu en brèche toute une série d’idées reçues sur les désidératas du public. En fait, les spectateurs sont en capacité d’accepter tous les paris à partir du moment où ils sentent une invitation bienveillante. À ce propos, j’en profite pour affirmer que je trouve le Festival des 7 Collines extraordinaire. Ils parviennent à programmer des spectacles très pointus et à rencontrer un public très très large et fourni.

Sans doute, le Festival des 7 Collines n’est-il pas assez reconnu localement…

Il l’est par le public…Sans doute pourrait-il l’être un peu plus, oui.

Je crois savoir qu’il existe quelques craintes autour du festival…

Je pense que ce festival mérite une visibilité nationale au regard de sa qualité, oui. On peut s’enorgueillir de ce festival, son histoire est exemplaire. Les salles sont pleines, bienveillantes, c’est incroyable.

Revenons à Massini…

Sans faire de fausse modestie, c’est bien le spectacle que nous avons monté « Chapitre de la chute » qui a permis de révéler Stefano. Il est question d’une adaptation de la pièce à Londres par Sam Mendes, et d’une adaptation cinématographique également… Tous les droits ont été vendus dans les pays anglo-saxons…

Une fierté ?

Une forme de fierté, oui.

Comment l’as-tu découvert ?

Par hasard. « Chapitre de la chute » faisait partie d’un triptyque. Nous l’avons reçu au comité de lecture du Théâtre du Rond Point dont je fais partie. J’ai alors découvert le premier volet et j’ai ensuite cherché à savoir ce qu’il en était de la suite. Personne n’était au courant. J’ai rencontré Stefano qui m’a simplement dit « la suite, elle est dans ma tête ». Nous avons donc passé commande auprès de lui pour l’écriture des deux seconds volets. Le projet aurait pu exister sans nous, mais il aurait été plus tardif, c’est sûr.

Nous ne pouvons détailler l’ensemble de la prochaine saison…

Nous avons voulu apporter une vraie visibilité à l’ensemble des spectacles qui étaient répétés dans nos murs, à la Comédie. C’est très important pour moi de faire comprendre à tout le monde que la Comédie est bien un lieu de création à part entière et pas seulement de diffusion.

Ces productions ont également des retombées économiques importantes…

La plus grande partie des ressources proviennent justement de ces créations, de leur diffusion ensuite grâce à la vente des spectacles. Comme je le précisais, nous avons voulu rester prudents, nous n’avons programmé les créations qu’à la fin de l’automne pour pallier à toute éventualité de retard sur le bâtiment. Nous aurons donc sur la saison trois équipes artistiques associées. The Party, de Matthieu Cruciani. La compagnie est en train de passer un cap important, c’est indéniable. On les accompagne cette saison encore. Ils ont joué, pour la première fois à Paris, en Avignon dans le Off et leur « Andromaque » connaît un beau succès. Nous leur restons fidèles. Julie Deliquet est une nouvelle venue. Elle avait joué ici il y a deux ans avec « Catherine et Christian », un spectacle qui avait bien marché. Elle sera la marraine de la prochaine promotion de l’école. Elle présentera « Mélancolies », à partir d’une revisite complète de deux pièces de Tchekhov. Elle travaille beaucoup autour de l’improvisation maîtrisée, chacune de ses représentations est différente, c’est un très beau travail. Le 3ème artiste associé est Pierre Maillet, il présentera 2 spectacles. Un premier à partir d’entretiens de Michel Foucault, « Letzlove », des textes écrits au début des années 70. Le second spectacle « La journée d’une rêveuse » de Copi permettra de découvrir une comédienne extraordinaire, Marilù Marini. Elle est argentine et a beaucoup travaillé avec Alfredo Arias. Elle est rare et formidable. La metteuse en scène brésilienne Christiane Jatahy viendra également pour la 1ère fois à Saint-Etienne, c’est l’une des grandes metteuses en scène au Brésil. Son nouveau spectacle se déroule en deux parties, à l’entracte le public change de salle, il est réparti en deux groupes sur deux salles, l’une pour le théâtre, l’autre pour le cinéma. Il s’agit d’une performance filmique en direct très étonnante. Les comédiens jouent de ce fait deux fois dans la soirée.

Tu restes fidèle aussi aux metteurs en scène et auteurs…

Oui, j’essaie. Je suis également très sensible d’une part à la présence d’anciens élèves de la Comédie et d’autre part à la fidélité aux auteurs, tout en restant ouverts aux nouveaux venus. Il ne faut fermer aucune porte. Nous proposerons pas moins de 42 spectacles dans le cadre de l’abonnement, plus toutes les propositions gratuites liées à l’inauguration ou à l’école. Cela doit faire une cinquantaine d’évènements au total…

Les nouveaux lieux sont plus grands… Avez-vous embauché de nouveaux personnels ?

Pour l’instant, non. Nous restons à effectif constant. L’ajustement se fera grâce à l’intermittence. On part du principe que nous allons essayer d’étrenner notre modèle dans le nouveau bâtiment pour voir comment il fonctionne. On fera évoluer au fur et à mesure. Nous avons fait des demandes de subventions supplémentaires mais nous voulions que ces subventions soient liées à la création artistique et non pas au fonctionnement.  L‘idée, je me répète, n’étant pas d’être un nouveau mastodonte dévoreur de subventions. Nous nous positionnons sur la création, à ce titre, nous disposons d’un nouvel outil exceptionnel. La Comédie sera en mesure d’offrir près de 40 semaines de répétition en dehors de nos activités. Nous pourrons ainsi accueillir de nombreuses compagnies créant in situ. Sur le saison 2018-19, nous programmerons encore plus de spectacles créés ou répétés dans nos murs. C’est un signal fort. En 6 ans de direction, j’ai monopolisé 8% du disponible artistique de la Comédie. Je veux offrir aux autres les mêmes conditions de travail dont je bénéficie. Les compagnies pourront répétées ici dans leur décor, un luxe inouï.

Cette nouvelle saison s’ouvre encore plus à la diversité…

Elle est à l’image de ce qu’est la France aujourd’hui. Pour moi, cette ouverture est essentielle. On ne peut se prévaloir de la volonté de vivre ensemble et ne pas l’assumer pleinement. Les statistiques ethniques sont interdites en France, mais il existe quelques études ici ou là qui confirment cette diversité au sein de la population. On estime que 30% de la population française serait « non blanche » tout en étant bien française. Le théâtre se doit de représenter cette population aussi. Il est important que les gens ne soient plus désignés par leur origine. On s’engage dans ce travail de représentation. C’est très important pour moi. De la même façon, je tiens également à programmer des textes en langue étrangère.

N’est-ce pas plus difficile d’accès pour le public ?

En théorie, peut-être. Mais lorsque tu assistes à une représentation donnée dans une langue étrangère, tu mesures rapidement toute l’universalité du théâtre. Le Peter Brook a été donné en anglais la saison passée, or nous avons reçu une quantité considérable d’élèves. Ce spectacle a beaucoup marqué ces élèves pourtant… La force universelle du théâtre se mesure d’autant mieux lorsque le texte est en langue étrangère.

La compagnie stéphanoise Dyptik sera programmée…

Il était important de souligner leur travail de toutes ces années…

On note également le retour de Philippe Vincent avec « Gonzoo »…

On essaie toujours d’accueillir les compagnies régionales qui représentent près d’un tiers de notre programmation. Philippe était venu il y a quelques années, oui… Nous co-produisons d’ailleurs son spectacle qui s’annonce très étonnant, comme à son habitude… Nos co-produisons 13 spectacles cette année.

Tu as déclaré avoir émis de nouvelles demandes de subventions que l’on sait peu extensibles… Alors que les financements de la région risquent de se réduire…

Si, aujourd’hui, tu peux me dire ce que souhaite faire la région, c’est que tu es mieux informé que moi ! Personne ne sait ce que va faire la région ! Nous sommes dans l’attente constante. Il y a une inquiétude généralisée dans cette attente. J’ai l’impression que la ville a aussi infléchi ses choix par rapport aux compagnies indépendantes. J’ai toujours dit qu’il était très important de ne pas habiller Pierre en déshabillant Paul. Les augmentations que nous avons obtenues restent raisonnables et raisonnées. La nouvelle Comédie est un équipement qui est strictement comparable au TNP de Villeurbanne. Dans l’infrastructure. Sauf que nous obtenons deux fois moins de budgets pour le fonctionnement. Le sujet pour Saint-Etienne est donc de savoir comment collectivement nous nous emparons de ces sujets pour que l’inégalité des financements, notamment étatiques, soit battue en brèche. Il faut, ensemble, réparer ces inégalités au plus haut niveau. Nous devons, à la Comédie, être un levier pour les autres compagnies. Sur les 30 millions d’euros qu’a coûté la nouvelle Comédie, la ville en aura apporté, environ, 8. Le reste a été trouvé ailleurs. C’est ce chemin qu’il faut suivre. Nous travaillons avec beaucoup de théâtres passionnants autour de Saint-Etienne avec qui nous collaborons parfaitement, le Théâtre du Parc à Andrézieux, celui de Sorbiers ou de La Ricamarie… Ils n’ont pas forcément les moyens de production or nous les avons, nous travaillons donc en bonne intelligence. Permettre au Festival des 7 Collines d’avoir accès à notre grand plateau est une autre éventualité…

Cette saison correspond-t-elle à ce que tu souhaitais ?

Il y a toujours un ou deux regrets… Des choses qu’on aurait dû faire avant ou mieux… La perspective également d’aborder mon dernier mandat en 2018 me procure une énergie démultipliée… Mais comme tu me le faisais remarquer, nous fonctionnons à effectifs et moyens constants… Donc, il faut toujours faire des choix, nous avons véritablement optimisé tous nos moyens. Après, j’espère qu’avec ce nouvel équipement, nous gagnerons en efficacité et sans doute, parviendrons-nous à faire mieux si ce n’est plus, étant plus efficace ou productif même si ce terme n’est pas le plus adapté… Après, précisons que notre nouvelle petite salle sera aussi grande que l’ancien plateau de notre ex-grande salle, ce qui nous empêchera aussi de faire certaines choses. L’Usine se gérait avec un seul technicien, il nous en faudra deux ou trois dans notre nouveau lieu. Sur la saison 2018-19, nous aurons encore plus la volonté de montrer des spectacles que nous ne pouvions pas montrer dans notre ancienne maison. Je veux que les Stéphanois soient fiers de leur nouvel équipement et qu’ils puissent découvrir des spectacles qui seront fabriqués ici. La nouvelle Comédie participe à la transformation physique de la ville. Je veux être actif dans le renouvellement de l’image de la ville et prendre ma part dans cette fierté commune d’être Stéphanois, avant mon départ…

Ton départ est acté…

J’aurai fait un cycle de 10 ans. Depuis le départ, j’ai ça en tête. J’ai même calé mon prêt bancaire sur ces 10 ans ! Après… Je ne pense pas qu’à ça en ce moment… J’ai  la chance de disposer d’un équipement extraordinaire, profitons-en ! Après…

Après…